C'était une journée off pour moi, qui comptais manger chez ma mère. C'était sans compter l'agitation qui fomentait dans les rues d'Astoria. J'étais en route pour aller chez elle quand je reçois un appel de mon boss. Mobilisation exceptionnelle pour une manifestation interdite. Je soupire. Elles sont de plus en plus fréquentes ces temps-ci. Je savais que je finirai tard. Je me dirige alors vers le poste de police pour me changer et recevoir les indications.

Une demi-heure plus tard, sur les lieux, je regarde la foule au loin. Nous nous approchons, tandis qu'ils grondent, tonnent leurs slogans anti-Supers. Je déglutis, sentant comme un couac. Mon éternel optimisme me permettait d'espérer qu'elle se passerait sans encombre. Mais lorsqu'ils nous voient, ils s'indignent un peu plus. Ils huent, nous invectivent tandis que nous essayons au mieux de les contenir.

Je prends mon courage à deux mains et tentent de calmer les manifestants les plus proches. En vain.  J'aperçois alors une touffe de cheveux reconnaissable entre toutes : le petit chignon de Mlle @Liv Hayes. Cette gosse est vraiment dans toutes les emmerdes. Mais avant que je puisse l'appeler ou me diriger vers elle, une vive agitation se passe tout près des portes de Vanguard Company. Qui aurait la mauvaise idée de sortir de là avec un merdier pareil ?

Depuis la salle de réunion, Mei observait la foule qui s'amassait. La réunion avait tourné court, les chargés de comm' et de stratégie prenant place pour analyser l'événement au fur et à mesure des informations qui remontaient. Jusqu'à ce que la décision tomba, Sadie elle-même sortirait pour rétablir le calme, prouvant ainsi que Vanguard écoutait ces imbéciles de la plèbe, jusqu'aux plus hautes sphères. La douce Atomia et le fun Masta Flex avaient été choisi pour l'accompagner, afin d'assurer autant la sécurité de la PDG que de calmer les esprits en rassurant la populace par leur soutien et leur amour inconditionnel.

N'hésitez pas à prendre quelques photos et à aller serrer des mains.

Comme si Sadie avait besoin de leur rappeler leur boulot... Atomia ne dit rien, se contentant de jeter un oeil vers son comparse qui semblait prendre cela à la légère, comme à chaque fois avec cet idiot. Elle lissa les bords de sa cape, replaça ses cheveux et avança d'un pas déterminé aux côtés de la PDG de Vanguard quand celle-ci fit son apparition à l'extérieur. Son sourire lumineux s'afficha automatiquement sur ses traits, tandis qu'elle salua les personnes les plus proches d'un petit geste de la main. Allez les losers, cassez-vous.

Les yeux sombres de la Guard parcoururent celles et ceux rassemblés là, à la recherche du moindre mouvement anormal de l'un d'entre eux. Son visage gardait son masque de sérénité et de douceur, contrairement à ceux rougis de quelques personnes qui s’époumonaient en vain. S'ils se voyaient... quel ridicule... Et la police, où était-elle ? Encore inutile. Dire qu'on y refusait l'entrée des supers. Sans eux, cette ville serait mise à sac toutes les semaines...

Atomia !

Une voix dans la foule. La jeune femme se retourna légèrement, affichant un sourire plus large encore, tandis qu'un léger courant d'air agita ses cheveux roses. Elle envoya du bout des doigts un baiser vers celui ou celle qui l'avait appelée - elle n'en savait rien, ne se fiant qu'à la direction - avant de reprendre son examen silencieux...

Liv se baladait dans les rues d'Astoria le sourire aux lèvres, elle avait toujours adoré la soirée d'Halloween. Elle aimait l'ambiance automnale, un peu fantastique et mystérieuse qui régnait ce jour là. Puis les déguisements, les bonbons transformés aujourd'hui à son âge en grande soirée et verres d'alcool. Son père organisait une grande soirée au bar pour l'occasion. Alors Liv avait passé la matinée à chercher le costume parfait, mais pour le moment, rien n'avait toucher son coeur. Elle avait posé un jour de congé rien que pour l'occasion dans le petit bar-café qui l'employait. A force de faire les boutiques, elle commençait à avoir faim et soif alors elle se mit en recherche d'un petit endroit où se sustenter. Mais son attention ne fit qu'un tour lorsqu'elle entendit des voies monter et des gens se rassembler peu à peu. Elle avait bien trop l'habitude des manifestations pour ignorer ce qui était entrain de se passer, puis la curiosité n'est-elle pas une vertu? Non?

Elle s'approcha du petit groupe qui se formait et grossissait toujours un peu plus. Celui qui semblait l'instigateur de tout ce boxon scandait des demandes de réponses. Accusant Vanguard de mentir au public à propos de la poussière de météorite. Mais ça devenait vite la cohue, alors que certains criaient vouloir des réponses, d'autres faisaient monter des propos anti-Supers. Liv dans sa grande discrétion... inexistante commença à alpaguer l'un de ceux qui gueuler le plus fort.

-Attends mais faut vous mettre d'accord! Vous pouvez pas dire que c'est inoffensif et ajouter que Vanguard l'utilise comme produit dopant...

Commençait-elle à s'emporter. Elle ne réfutait en rien ce qui était dit, c'était même probable qu'il y est du louche là dessous pour elle. Mais c'est en disant tout et son contraire que l'on perdait en crédibilité et ça, bah ça la rendait dingue. Les gens ne faisaient que beugler et râler aujourd'hui, où étaient passés les discours cohérents, critiques et irrévérencieux? Il ne fallut que quelques minutes pour que, sans s'en rendre compte, trop occuper elle aussi à crier, elle se retrouve au milieux de la cohue. Mince alors! Bon pas que ce genre de situation l'angoisse plus que ça, elle passait son temps dans ce genre d'ambiance. On lui fit passer une bouteille, cela se faisait souvent en manifestation pour éviter que les gens soient pousser à se dissiper à cause de la soif. Elle haussa les épaules et en bue quelques gorgées, puis son regard se posa un peu plus loin... Décidément, une fois n'est pas coutume la jeune fille voit au loin @Aaron J. Davis, son policier préféré.

Leur regard se croise, mais très vite c'est un mouvement de foule qui l'emporte. Ses yeux se tourne vers le bâtiment et elle voit des personnes sortir. Super, manquait plus que ça, les poules de la basse-cours... Se dit-elle. Ils vont se la jouer sans aucun doute hypocrites et rassurants à souhait en lançant des banalités affligeantes. Elle monte les yeux au ciel en voyant la Super en cape envoyer un baisé volé à la foule. C'est partie pour le cirque!

Lorsque Chester sortit de l'immeuble, il ne pu s'empêcher par réflexe de se fendre du sourire qu'il réservait à ses fans et aux journalistes, un sourire mêlant surprise et ironie qui semblait dire "Il ne fallait vraiment pas venir aussi nombreux ! Mais puisque vous êtes tous là, allez, vous n'allez pas regretter d'être venus, je vais faire le show". Sauf que très peu de smartphones étaient tendus vers lui, que personne ou presque ne l'interpelait et qu'une foule de passants aux visages fermés s'était aggloméré aux portes de Vanguard. Sa simple apparition n'avait pas suffit à illuminer leurs regards. Il y avait quelque chose qui clochait, indubitablement.

Pour détendre l'atmosphère et retourner l'auditoire en leur faveur, il faudrait plus que leur numéro de charme habituel, plus que les bisous mimés de son glaçon de partenaire. L'improvisation n'avait jamais été son point fort et au fond, si on grattait la fine couche de politesse et de glamour compassé qui recouvrait son personnage, Meiling était aussi aimable qu'un vigile à qui on aurait greffé une paire de seins et enfilé une perruque kawai.

Placé à la gauche de Sadie (cette petite garce d'Atomia s'était débrouillée pour se retrouver à la droite de leur cheffe, sans doute pour suggérer que Chester n'était que son bras gauche), il lança quelques blagues moisies aux policiers et manifestants autour de lui. En vain puisque ses "désolé les gars, il faudra repasser ce soir pour les bonbons", "vous auriez quand même pu faire un effort pour les costumes" ou autres "vous n'êtes pas un peu grand pour Halloween ?" ne lui valurent d'une indifférence plus ou moins hostile. Aussi bien de la part des policiers trop occupés à contenir la foule que de la foule en question qui préférait écouter ou participer aux vociférations contre Vanguard.

Vexé qu'on l'ignore, Chester se contenta donc de sourire comme une potiche et laissa parler sa boss.

Chose rare et donc précieuse, Chester se taisait. Mais c’était une habitude bien ancrée chez lui lorsque la grande cheffe parlait. Il réprima une moue peu convaincue lorsqu’elle évoqua les tests de dépistage. Certes, il avait considérablement levé le pied sur les produits depuis le fiasco de la Pryce Tower… Seulement voilà, il se permettait encore quelques petits écarts festifs de temps à autre car il fallait bien s’amuser n’est-ce pas ? Et il n’avait pas du tout envie de se faire virer de Vanguard comme son ex-collègue de la Pryce Tower, un ex-collègue avec qui il avait d’ailleurs fait les 400 coups à la « grande époque ». Il devrait sans doute rester clean ces prochaines semaines, une perspective qui ne le réjouissait guère, ou alors tricher au dépistage mais dans ce cas, où allait-il bien pouvoir trouver de l’urine saine ?

Les impacts des premiers projectiles claquèrent sèchement sur les vitres de la Vanguard Tower et tirèrent Chester de ses pensées. Les manifestants l’avaient d’abord ignoré lui le Guard, l’un des dix, et c’était maintenant au tour de Sadie Morarty ! Sa petite opération damage control tournait court. Ils allaient devoir se mettre à l’abri et laisser la police faire son travail, c’est-à-dire disperser rapidement cette foule haineuse, de préférence en leur tapant dessus très fort pour les dissuader de recommence. Enfin c’était l’avis de Chester, la manière forte avait toujours eu sa préférence quand les gens étaient bornés et ne voulaient rien entendre.

En attendant que sonne l’ordre du repli stratégique, il ne put s’empêcher de faire le malin en tentant d’attraper à la volée une canette lancée en cloche à l’aide de son bras élastique. Après tout, c’était un excellent joueur de baseball. Elle lui échappa pourtant et l’empêcha de voir ce qu’un hargneux lui envoya en pleine tête. La bouteille en verre en question ne lui fit aucun mal puisqu’elle rebondit sur sa joue caoutchouteuse mais on ne pouvait pas en dire autant du policier qui le reçu un peu vivement dans le haut du dos alors qu’il tentait de contenir la foule.

Scandalisé qu’on l’ait pris pour cible, il ne remarqua pas sa bévue mais peut-être aurait-il l’occasion de revoir la scène sous un autre angle lorsque la vidéo serait postée sur les réseaux sociaux.

Les esprits s'échauffent. J'essaie tant bien que mal de contenir la foule avec mes collègues. L'intervention de Sadie Moriarty a pour but d'apaiser les tensions mais elle ne fait que raviver la flamme de la colère chez les manifestants. Ils commencent à jeter des projectiles. Je m'imagine déjà le pire pour la fin de ce drôle de happening face à la Vanguard Company.

Il faut absolument que je sorte Liv d'ici. J'aurais des ennuis avec mes supérieurs mais tant pis. Je suis policier et membre de l'Alliance avant tout pour sauver des gens. J'ai pris la mauvaise habitude de sauver cette petite, autant y aller jusqu'au bout. Je prends mon courage à deux mains et avance dans la foule mécontente. Ils grommellent d'abord, m'insultent ensuite. Certains de mes collègues me demandent ce que je fous. J'ignore royalement et parviens à atteindre Liv.

«  Toujours dans les ennuis, hein ? Ça commence à chauffer, petite, suis-moi. »

Je m’érige en bouclier pour elle, afin qu’elle ne prenne aucun projectile. Ce qui me vaut de tout prendre pour deux : tout ce qui passe entre leurs mains est parfait pour montrer leur mécontentement. Ils s’en prennent à moi au passage, me donnent des coups, tandis que je rejoins la barrière de policiers qui protègent Sadie et les deux Guards, en la gardant derrière moi.

«  Surtout, reste avec moi, on doit pas se perdre, ça risque d’être pire dans les minutes à venir. N’hésite pas à t’accrocher. »

Mon arcade saigne, certainement l’un des coups reçus en sortant Liv de là. Et alors que nous essayons, avec nos collègues, de contenir la foule face à nous, je vois une bouteille qui va droit sur la joue de Masta Flex. Je ne sais pas si je dois rire de la situation qui est gravissime…

La populace s'agitait et s'agaçait, incapable de rester calme et d'écouter les mots de Sadie. Voilà, une nouvelle fois, ce qui les différenciait des Guards. Ils étaient là, assemblés comme des moutons, incapables de réfléchir ou de voir plus loin que le bout de leur nez. Incapables de respecter quoi que ce soit. Lorsqu'un projectile fut lancé, Atomia se plaça devant sa PDG, lui lançant un regard confiant avant de la faire reculer d'un pas. Ils auraient dû appeler Ghost. Invisible dans la foule, le super aurait pu les disperser aisément... A la place, il fallait faire front, et bonne figure, car Vanguard ne pouvait se montrer impressionné face aux premiers abrutis venus hurler sous leurs fenêtres...

La super voulut s'avancer vers un petit groupe non loin, pour tenter de discuter peu à peu avec l'attroupement, mais une pluie de bouteilles et d'objets divers s’abattit sur elle, l'obligeant à renoncer pour le moment. Une chaussure frappa sa jambe, lancée dont on sait où, et quelques rires percèrent avant de faire place à des huées. Le sang de la Guard ne fit qu'un tour et si elle ne s'était pas raisonnée, une bonne part de ces imbéciles serait en train de suffoquer. Elle se força au calme, cherchant comment inverser la situation. La jeune femme leva finalement une main, en signe de paix, avant d'élever la voix tandis que son corps s'envolait de quelques mètres pour dominer la foule :

Un instant ! S'il vous plait ! Pensez-vous vraiment que si nous étions sous l'emprise de poussière, dopés comme certains le crient, vous pourriez ainsi réussir à nous toucher ? Nous n'amplifions pas nos dons ! Vous nous connaissez depuis des années ! Nous aidons à maintenir la sécurité et le calme à Astoria, nous vivons avec vous, nous travaillons pour vous ! Quel intérêt aurions-nous à gâcher tout cela ?

Tandis qu'elle parlait, elle profitait de sa position pour distinguer les plus agressifs au sein de la foule. S'il fallait agir, elle espérait pouvoir savoir qui désigner en premier...

La situation s'aggravait à vue d'oeil. Liv avait assez fait de manifestations pour sentir quand les choses dégénéraient. Elle n'arrivait pas à croire qu'ils aient eu le culot de sortir de leur tour d'ivoire. Forcément les esprits s'échauffaient, sentant bien que ce n'était que de la com', qu'ils les prenaient de haut. Sa tête tourna un peu, un vertige passager. La jeune fille se demanda si cela venait de la bouteille, mais comme cela passait, elle se dit que ça devait être l'effet de masse. Dans tous les cas, il fallait qu'elle trouve un moyen de se sortir de là. Les projectiles commencèrent à pleuvoir, ce n'était qu'une question de minutes avant les premiers mouvements important de foule. Un bras la saisie, pour la première fois, elle était vraiment content de voir @Aaron J. Davis elle hocha de la tête

-Ouai bah je pourrais te dire la même chose...

Elle le suivit, tentant de jouer des coudes pour écarter les manifestants. Le pauvre policier s'en prenait plein la figure. Elle hurlait, poussait, elle avait l'impression d'être dans une foire. Les gens étaient réellement entrain de devenir agressifs. Liv arrive à destination, elle observe et se tourne vers son flic préféré,

-T'es sérieux? Tu nous as emmener entre les manifestants et Vanguardiens... Si ils chargent, je doute que ta barrière de collègues puisse faire barrage, sans vouloir vous offenser...

La situation ne pouvait être plus préoccupante. La foule excité devant eux, les flics et les Vanguardiens derrière eux... Cela ne sentait pas bon, pas bon du tout. Une petite voix disait à Liv que le discours de la Wonder-woman volante n'allait pas vraiment arrêter la tempête... Trop de mot alors que plus personne n'écoutait, ils voulaient juste se défouler...

Chester détestait quand Atomia leur faisait ce petit numéro, quand elle prenait de la hauteur pour s’adresser aux foules le laissant comme un con sur le plancher des vaches. Ça lui donnait à chaque fois envie d’allonger son bras pour la saisir à la cheville, la faire tournoyer en l’air et l’envoyer valser dans le décor. Combien de fois il en avait eu envie sans jamais oser ? Aujourd’hui pourtant, le petit speech de sa collègue n’avait servi à rien, personne ne semblait l’écouter, ce qui réconfortait un peu notre homme élastique.

Il n’apprécia pas non plus l’ordre direct de sa cheffe. C’était elle qui avait eu cette idée à la con, de raisonner une foule en colère avec de beaux discours. Et voilà maintenant qu’elle se défilait sous les jets de pierres en leur demandant de calmer ces manifestants déchainés. Et sans faire de blessés en plus ! Autant demander à un toréro d’épuiser un taureau sans banderille ! Tout super qu’il était, le boulot de Masta Flex consistait à distribuer les bourre-pifs, à châtier les méchants avec panache, à faire le beau devant les caméras, pas à rester diplomate avec des enragés... Même s’il était vrai que Vanguard n’avait rien à gagner à molester des manifestants.

Pas question toutefois de contredire Sadie, ni d’aller contre sa volonté. Il ferait de son mieux et improviserait, comme toujours.

Lorsque notre super aperçut un type brandir ce qui ressemblait à une grenade fumigène, Chester eu d’abord le pressentiment que l’ambiance allait méchamment dégénérer. Certes, l’espace d’un court instant, une idée idiote surgit dans son esprit : Pourquoi ne s’accrocherait-il pas au lampadaire pour faire cochon pendu au-dessus de la manifestation et cueillir la grenade ? Autant rivaliser d’acrobaties avec Atomia pendant sa boss pouvait encore le voir. Il revint cependant à la raison car il n’avait rien à gagner à faire le singe dans cette situation merdique où on voulait les lapider à coup de bouteilles, sinon devenir une cible un peu trop exposée. Il laisserait Atomia jouer le rôle du pigeon d’argile…

Il se contenta de plonger son bras dans la foule pour chiper la grenade et le rétracta en vitesse avant qu’un petit malin n’ait l’idée de s’y agripper. La grenade revint donc du bon côté du cordon policier, sans que Masta Flex ne frappe au passage l’homme qui voulait la dégoupiller. Pour accompagner son geste qui manquait d’ampleur super-héroïque à son gout, le super tenta de faire entendre dans le brouhaha en parlant haut et fort :

« La vérité éclatera oui, mais pas les grenades ! Pas tant que Vanguard sera là ! »

Il y en avait trop qui se comportait étrangement. De son point de vue, Atomia distinguait autant l'air hébété de certains que la colère subite d'autres. Si la détention de poussière par Vanguard semblait être l'excuse de ce rassemblement insensé, la Guard commençait à craindre que quelques uns y avaient touchés avant de venir, emportés dans ce trafic dont la ville avait du mal à se débarrasser depuis plusieurs mois. Cela n'augurait rien de bon, encore plus pour ces imbéciles d'humains non dotés.

Au moment où le pseudo leader leva le bras, la super aperçut trois personnes non loin, qui échangèrent un regard avant de mettre la main à leurs vestes. Des complices de l'autre abruti, assurément. Celui au fumigène, pas Chester. Bien que cela pouvait être confondant... Regard braqué sur les type en question, toujours en hauteur, elle tenta de voir ce qu'ils sortaient, ne pouvant utiliser son pouvoir d'altération si elle ne voyait ou ne connaissait pas la chose. Malheureusement, ce fut un échec cuisant, un mouvement de foule lui boucha la foule et la Guard les maudit tous à cet instant, regagnant le parvis de la tour au moment où Chester récupérait le fumigène.

Elle le laissa y aller de sa petite phrase, se forçant à sourire pour appuyer les propos de son collègue, avant de lui souffler :

C'est pas fini. J'ai vu au moins trois mecs louches qui préparent quelque chose. Dégage cette merde.

Les beuglements des manifestants ne ternirent pas la façade de la super, alors qu'au fond d'elle, une profonde envie de les étouffer avec leurs propres langues progressait. Les faire taire, juste un instant, ces demeurés qui les empêchaient de faire leur boulot...

Je pince les lèvres à la remarque de Liv. Elle n'avait pas complètement tort mais j'étais obligé de rester à mon poste. Et je voulais garder un œil sur elle pour être sûr qu'il ne lui arrive rien. J'osais espérer qu'un Guard puisse l'amener loin d'ici si mes arguments étaient convaincants ?

On me lance une bouteille vide que je balaye d'un revers de main. Les gens sont-ils devenus fous ? Comment cette petite pourrait être flic sous couverture à son âge ? Je fronce les sourcils, pas certain de comprendre la manière de réfléchir de la foule. C'est comme s'ils avaient été pris d'une folie maladive et extrêmement contagieuse.

La tension monte et ils font pression sur le barrage. Nous essayons de tenir les rangs, à quelques hommes contre une foule. Certains lancent des jets de lacrymogène pour intimer le respect. Ce qui ne fait qu'empirer les choses. L'un d'entre eux attrape Liv. J'essaie de lui attraper le bras pour l'en empêcher mais je la manque de peu. Avant que je puisse l'aider, un homme fonce sur moi pour se battre. Il tente un crochet. Ma formation à la police et à l'Alliance me permettent d'avoir de bons réflexes : je l'esquive rapidement et lui mets un coup de coude pour l'assommer. L'homme tombe au sol. Je crains qu'il ne se fasse piétiner par la foule mais tente tout de même de voir la petite. Il m'a fallu quelques secondes pour la perdre de vue.

« Liv ! »

La charge se ressent à nouveau et nous tentons de les retenir. Les deux Guards ont l'air de gigolos qui jouent à qui attrapera le plus de grenades pendant que nous servons de mur vivant. Peut-être qu'ils pourraient être un peu plus efficace plutôt que de tournoyer dans les airs ? Ils font des trucs de dingue à la télé et là, ils se retrouvent désarçonnés face à une foule de personne qui n'a aucun pouvoir. Et où sont les autres Guards, bon sang ?! Je fume de l'intérieur, inquiet pour Liv. Ma tension monte, l'adrénaline avec, peut-être que mon pouvoir pourrait bientôt pointer le bout de son nez.

Impossible de voir Liv dans toute cette foule. Je regarde mes collègues qui tentent de repousser, comme moi, la vague de manifestants mécontents. Foutu Vanguard, cette histoire de poussière prend des proportions beaucoup trop grandes. Je devrais enquêter après toute cette affaire, si je m'en sors, pour comprendre réellement où trouver cette poussière et si les Guards l'utilisent réellement.

La situation devient de plus en plus tendue et je sens, enfin, que mon don de manipulation de probabilités pointe le bout de son nez. Je vais peut-être pouvoir changer les choses pour qu'on puisse s'en sortir ? Je regarde les différentes possibilités qui s'offrent à moi. Mais le bruit, les projectiles, la charge que j'essaie de contenir ne me permet pas de voir pleinement les conséquences des actes que je pourrais possiblement faire.

Dans toutes les possibilités qui s'offrent à moi, je suis foutu. Il faudrait qu'on arrive à retirer les nombreux fumigènes de la foule pour éviter que ça n'aille trop loin. Je grogne dans ma barbe et finis par me tourner légèrement vers les Guards.

- Hey les Guards. Hey !

Je siffle un coup pour attirer leur attention.

- Tenez vous prêts.

Peut-être un peu bête de leur montrer que je sais ce qu'il arrivera ? Quoi que mon geste a une portée de vue si courte, qu'ils penseront que j'ai juste eu une idée pour attirer l'attention des manifestants pendant qu'ils attrapent les fumigènes.

J'attrape mon arme de service que je pointe en l'air et tire. Un énorme bruit retentit et certains manifestants se taisent et se baissent pour éviter qu'une balle ne les atteignent. Je crie à mes collègues de tenir le mur qu'ils forment face à l'assaut que je sais imminent des manifestants, espérant que les Guards soient assez vifs d'esprit pour comprendre mon geste.

Voilà que la police était prise à partie, elle aussi, subissant la colère de cette foule d'imbéciles.  Cela prouvait bien à quel point ces crétins ne savaient pas ce qu'ils revendiquaient, les supers n'étant pas autorisés à intégrer les forces de l'ordre. Mais que faisaient les autres Guards ? Incroyable tout de même que Sadie les laissa eux seuls à gérer ce grondement ! Mei lui ferait comprendre ce qu'elle en pensait, quand tout ce cirque serait terminé. En attendant, il leur fallait agir, et autant profiter de l'occasion pour briller un peu plus. Même aux côtés de Chester.

Un flic les interpella, provoquant un froncement de sourcils de la jeune femme. Elle n'aimait guère collaborer avec eux, ne le faisant que pour satisfaire la stratégie et les plans de Vanguard. Mais elle devait admettre que vu la tension actuelle, si quelqu'un pouvait s'avérer utile, autant en profiter. Il serait temps de récolter les lauriers plus tard. Alors la Guard reprit de la hauteur, retrouvant ceux repérer un peu plus tôt, lorsqu'un coup de feu retentit.

Crétin ! Il ne risquait que de les exciter un peu plus ! La super se focalisa sur les hommes aux fumigènes, piquant enfin sur eux pour raser leurs têtes à toute vitesse et attraper deux des fumigènes avant de regagner de l'altitude. Ne pouvant user de son autre pouvoir en vol pour empêcher l'ouverture de ses trophées, elle alla se poser près des portes de la tour Vanguard, prenant quelques secondes pour voir où en était Chester...

(hrp : Mille pardons pour le retard ! )

Comme Meiling, Chester souriait à la foule. Sauf que son sourire était plus celui du petit malin que de la première de la classe.

"Seulement trois mecs louches ? T'es gentille, ça te ressemble pas... Moi je vois une foule de mecs louches."

Il se débarrassa cependant de la fumi comme le préconisait sa collègue, en étendant son bras vers un vigile posté derrière eux et en lui indiquant de la mettre en lieu sûr.

Lorsqu'il se retourna, la garce s'était déjà envolé, sans avoir pris la peine de lui répondre. Ce qui lui évita d'être interrompu par une détonation. Un uniforme venait de tirer en l'air au milieu des manifestants. Enfin un policier qui faisait son travail ! Quoique Chester aurait sans doute préféré qu'il vise la tête d'un de ces excités...

Atomia fondit sur deux manifestants un peu moins ahuris que les autres, qui brandissaient à leur tour une grenade qu'elle récupéra facilement. 2-1, à lui de jouer pour reprendre l'avantage. Notre super balaya la foule hésitante du regard et repéra rapidement la quatrième menace qui s’apprêtait à dégoupiller. Et cette fois, Chester projeta ses deux bras pour attraper le type par l'encolure de son blouson avant de le ramener vers lui grâce à l'effet élastique de ses membres.

Ca aurait été une belle arrestation, assurément, si seulement ce sale punk n'avait pas eut le temps de dégoupiller sa fumigène en vol.

Mon action a marché, mais comme prévu, ils s'attaquent à nous. Les policiers tentent de tenir bon, la charge est compliquée, manque de nous faire faillir, mais les renforts sont là. Il était temps que Sadie Moriarty se bouge le cul ! Lorsque l'un des Super de Vanguard met un bouclier en place, je souffle enfin, content de voir que ma décision n'était finalement pas inconsidérée. Quel dommage que ça ait dû prendre de telles proportions.

Mais alors que je relâche ma garde, un Super côté manifestant lance une onde de choc. Plusieurs de mes collègues et moi tombons sous l'effet du pouvoir. Sonné, je regarde autour de moi, sans trop comprendre ce que je fais à terre. Mes oreilles bourdonnent, j'ai perdu mes repères, comment est-ce qu'on a pu en arriver là ? J'essaie de me relever, mais le coup est dur et j'ai du mal à m'en remettre.

La main sur la tête, je serre les dents, dépité. La situation aurait dû être bien meilleure mais elle ne fait que dégénérer. Je me force à user à nouveau de mon pouvoir pour pouvoir calmer les choses et c’est avec une surprise immense que je découvre la suite des événements. Si je ne fais rien, on est foutus. J’avance droit vers mon chef, pressé par le temps, conscient qu’il ne m’en reste pas beaucoup. Je risque gros, ma place, pour être honnête, après ça on saura clairement que j’ai des capacités de Super. Peu importe, il ne s’agit plus de moi, désormais. J’arrive à lui et essaie de le convaincre de mettre mon plan à exécution. Pas sûr qu’il marche, je suis trop peu conscient de la suite des événements. Il ne m’écoute pas, débordé par la manifestation. Je l’attrape par le col, le secoue un peu et colle mon nez au sien :

« Salaud, si tu m’écoutes pas, c’est ton dernier jour en tant que chef de service. »

Je lui explique la gravité de la situation. Il est choqué, ne sait pas trop quoi faire de son information puis finit par prendre part à mon plan. Il attrape son talkie-walkie pour lancer des ordres presque inaudibles avec le bruit de la foule. Quelques secondes plus tard, le Super au bouclier arrive à nous pour que je puisse faire part des événements à venir.

Enfin, Vanguard avait décidé d'agir ! Il était temps ! Face aux supers licenciés qui débarquaient, Atomia ressentit à la fois un certain soulagement et une forme de dédain pour ceux qui ne faisaient pas partie des 10. Au moins pourraient-ils être utiles, à défaut d'être charismatiques. De la chair à canon, s'ils avaient été en temps de guerre. Elle observa le bouclier se mettre en place, en profitant pour donner à l'un des employés de l'entreprise les fumigènes récupérés plus tôt, juste avant qu'une violente onde de choc ne se propagea, faisant trembler le sol, projetant quelques personnes, faisant tomber là un lampadaire. Mâchoires serrées, la Guard tint pourtant bon, bien campée sur ses jambes, son pouvoir principal lui permettant de modifier très brièvement son corps pour le solidifier et résister à l'impact. Cela ne dura qu'une infinité de secondes, mais les dégâts étaient visibles. Ne tardant pas, elle projeta à son tour son pouvoir sur l'homme épuisé par cette déferlante non maitrisée de son pouvoir, lui coupant le souffle en altérant la structure de ses bronches, juste assez pour qu'il s'évanouisse et s'écroula inconscient au sol.

Flex ! Faut dégager la nana qui se transforme avant qu'elle blesse quelqu'un. Je m'occupe de ceux à terre.

Un coup d'oeil vers son collègue, partenaire détestable mais avec qui elle travaillait depuis longtemps pour savoir qu'il n'était pas besoin d'en dire plus. Elle abandonna sa place, passant les barrages pour se glisser dans la foule, récupérant déjà une jeune femme qu'elle éloigna et confia aux policiers débarqués. Les manifestants ne lui rendaient pas les choses aisées, entre les cris, les bousculades, l'animosité de certains qui n'hésitaient pas à l'agresser physiquement sur son passage. Elle les détesta de plus belle, ces imbéciles qui ne les méritaient pas. Pourtant la Guard n'abandonna pas, écartant tous ceux qu'elle pouvait, arrivant près d'un homme qui gisait sur le bitume, son bras se glissant sous ses épaules pour le soulever et le faire avancer, en vain, il n'était qu'un poids lourd contre son corps. Alors elle le maintint fermement contre elle, sachant d'avance qu'elle y perdrait des forces et le payerait plus tard d'une fatigue intense, s'envolant avec lui à peine un mètre au-dessus de la foule pour gagner le parvis de la tour et s'y déposer aussitôt. Il y avait tant à faire encore...