La Gordian avait eu une idée brillante. Bien que l'essentiel de leurs activités - licites ou non - se déroulent normalement à l'étranger, le conseil d'administration avait surpris tout le monde en votant pour se rapprocher de plus en plus d'Astoria. Il avait eu vent du déplaisir que cette décision avait causé à sa cheffe officieuse. Il n'était un secret pour personne de leur petite et fine équipe qu'Argent préférait agir à l'internationale. Plus l'entreprise se cantonnait aux Etats-Unis, moins leur couverture était étendue. Sans compter que le contrat passé avec Vanguard les exposait dangereusement. Même Joaquim, lequel ne s'intéressait d'ordinaire que très peu - voire pas du tout - aux changements que ses employeurs opéraient, avaient froncé les sourcils en apprenant qu'il était missionné pour assurer la sécurité lors d'un show à la fameuse Starlight Arena. Il aurait préféré rester derrière son écran de contrôle, à enchaîner les cafés jusqu'à ce que son second emploi, autrement plus lucratif et intéressant, l'appelle. Mais comme personne ne lui avait demandé son avis, et qu'après tout, il était payé pour ça, il avait exécuté les ordres.

Il n'était pas le chef, ce jour-là. L'évènement était trop important pour qu'on se repose sur quelqu'un qui, après tout, ne travaillait pas pour la Gordian depuis si longtemps que ça. Non, le responsable était un certain Ricky, la cinquantaine bien tassée et la mine patibulaire digne d'un cliché ambulant de vigile. Joaquim le soupçonnait d'être un ancien membre de la Ravka - une organisation criminelle polonaise - ayant obtenu l'asile au pays du burger grâce à quelques habiles négociations. Un vague relent d'instinct de flic qu'il avait aussitôt refréné. Sachant les « à côtés » qu'il pratiquait désormais, il était mal placé pour soupçonner qui que ce soit. Et puis, Ricky était très professionnel, efficace et bon dans son domaine. Le colombien ne demandait pas mieux. Enfin, si. Pouvoir se casser de cet enfer sur terre. Trop de gens, trop d'effervescence, trop de bons sentiments et de, il en était sûr, d'hypocrisie à chaque couloir. Trop à surveiller, pour un truc qui pourrait se barrer en sucette en une demie-seconde. Il fut soulagé quand les séances de dédicaces et autres séances de photos furent terminées. Ayant rejoint les coulisses où il était affecté, il écoutait distraitement ses collègues échanger des informations sur la situation actuelle et leurs actions, quand une petite brune l'aborda. Elle portait une paire de lunettes légèrement de travers et sa mine assurée n'arrivait pas à dissimuler ses airs de petite souris craintive ; sa démarche, de même que ses mouvements, étaient horriblement raides. « Atomia veut vous rencontrer. » Le pyromane haussa un sourcil perplexe. « Y a un problème ? » Il ne voyait pas une autre raison pour laquelle l'une des célèbres 10 de Vanguard voudrait le voir, lui. « Venez, s'il vous plaît. » Exécutant, on le rappelle. Ce qu'il fit, puisque c'était si gentiment demandé. Il suivit la jeune femme jusqu'à la loge. Comme on les autorisait à entrer après qu'ils se soient annoncés, celle qu'il supposa être l'une des nombreuses assistantes des Guards s'effaça pour que lui-même puisse s'avancer. Son costume noir s'accordait avec celui, tout aussi sombre, de la dénommée Atomia. Qu'elle était d'ailleurs en train d'enlever, à en juger par les agrafes défaites qu'il surprit malgré lui. Néanmoins, il ne détourna pas le regard. « En quoi je peux vous êtres utile, Madame ? » Il espérait qu'on ne l'avait pas fait venir pour qu'il lui tienne la paravent pendant qu'elle se changeait, quand même.