Sørensen
Elle est célibataire et profite largement des avantages de ce statut. L'avocate n'a aucune intention de passer un nouveau contrat qui la forcerait à respecter des engagements privés. Cette entière maîtrise de sa vie personnelle lui convient tout à fait.
Elle n'a aucun enfant officiel. Être mère n'a jamais été un but dans sa vie. Elle ne s'estime dotée d'aucun instinct maternel. Ce n'est pas qu'elle déteste les enfants, loin de là. Simplement, elle n'a pas envie de s'en encombrer et préfère profiter, à dose homéopathique, de ceux de ses proches.
Pourtant, le calme et la tranquillité ne sont pas ce qui la définissent le mieux. C'est une acharnée, prête à tout donner pour atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée. Elle se livre corps et âme à son métier, n'ayant jamais comptabilisé ses heures de travails ou rechigné à passer des nuits blanches sur un dossier. Elle est capable de déployer une énergie phénoménale pour gagne un procès avant d'aller savourer sa victoire, un verre de martini à la main, en charmante compagnie de préférence. Profondément hédoniste, elle aime profiter des plaisirs que lui offre la vie, son statut, son pouvoir, son argent. Pour rien au monde elle ne délaisserait son train de vie actuel ou son indépendance. Le qualificatif de vénale lui colle à la peau sans qu'elle ne considère qu'il s'agisse d'un défaut. Elle régente d'ailleurs son entreprise d'une main de fer, sachant se montrer aussi intransigeante avec les autres qu'elle est exigeante envers elle-même.
Mais derrière la face lumineuse et pailletée de Josephine Sørensen, reste Jo'. Une femme passionnée, curieuse de la vie, fascinée par les arts en tout genre. Dotée d'une sensibilité accrue, tout ce qui sort de l'ordinaire semble attirer indéniablement son regard.
Ce don invisible, dont la nature l'a dotée, fonctionne en continu de façon passive. Vouloir l'en déposséder serait comme lui demander d'arrêter d'être capable de sentir les odeurs. Néanmoins, de la même manière qu'il existe une différence fondamentale entre écouter et entendre, son don se module selon plusieurs variables.
- Les mensonges des autres l'épuisent physiquement. C'est un peu comme si on faisait défiler des centaines d'images vivement colorées les unes à la suite des autres. Il n'est donc pas rare de la voir assimiler des quantités astronomiques de nourriture ou faire de grandes cures de sommeil suite à des conciliations particulièrement houleuses.
- Il existe plusieurs types de mensonges, qui ne trouvent pas la même résonnance chez elle. Elle a appris à les distinguer au fur et à mesure, si bien qu'avec de la concentration, Josephine est en capacité de comprendre lorsqu'une personne se ment à elle-même. Par contre, son interlocuteur est convaincu de dire la vérité, elle la prendra comme telle. L'impression laissée est alors semblable à un sentiment vague et diffus que quelque chose cloche. Dans sa vie quotidienne, elle préfère rester à la surface des choses, si bien que seul les mensonges assumés lui vrillent les tympans.
- Elle est, elle-même, incapable de mentir. Elle a bien essayé, pourtant. Mais, la sensation provoquée est purement insupportable pour ses sens. Alors, elle louvoie différemment, maîtrisant le non-dit et le double sens à la perfection, jouant sur les différentes facettes de la vérités pour n'en révéler que ce qu'elle estime judicieux, propice.
Joséphine sourit, et reste silencieuse quelques secondes. - Je crois qu'il m'a fallu du temps pour saisir la portée de cette révélation. Plus encore pour l'accepter pleinement. Je serais bien en peine de porter un jugement de valeur sur cet immense changement. Je crois simplement que nous devons apprendre à vivre les uns avec les autres en se concentrant sur ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous divise. Discours consensuel de politicienne, taisant une grande partie de sa vérité pour permettre aux autres de s'identifier, de projeter leur propre ressenti. Elle a adoré prendre conscience de ne pas être la seule, d'être dotée de ce petit supplément de talent et d'y trouver une explication bien plus valorisante que celle offerte par sa famille. Puis, elle a craint l'engouement marqué que cette révélation a suscité, autant presque que les hypothèses de désastres qui dansaient dans sa tête. Qu'est-ce que cela allait signifier pour elle ? Quelles conséquences sur son avenir ? Enfin, elle a pu y voir une opportunité, une chance fabuleuse qu'elle s'est empressée de saisir.
- Le monde a besoin de héros, répondra-t-elle en souriant, absolument convaincante. Sa pensée n'est, pourtant, pas aussi manichéenne. Elle ne l'est jamais, d'ailleurs. S'il est vrai que la nature humaine tend à se raccrocher à toute forme de croyance et superstition, Joséphine ne considère pas que les supers soient fondamentalement des héros. Encore moins des nouveaux dieux à aduler. Elle ne leur voue aucun culte. Elle les regarde pour ce qu'ils sont réellement : des êtres humains, aussi faillibles et imparfaits que les autres. Capables du meilleur et de pire. Pourquoi alors, vouloir leur constituer un autel public ? Pour la paix. Que celle-ci emprunte le chemin de la manipulation de l'opinion publique lui semble être un bien maigre tribut.
- Je ne suis malheureusement pas voyante. J'espère seulement, pour être tout à fait honnête, que les choses n'iront qu'en s'améliorant. Je me plais à croire que si je fais correctement mon travail, ce sera le cas. Joséphine esquisse un froncement de nez, qu'elle accompagne d'un sourire de connivence. Elle est diaboliquement convaincante sous ses airs angéliques. L'avocate de renom n'a pas menti, bien évidemment. Elle s'est contentée de taire ses craintes quant à la cristallisation d'un clivage. Aucune paix n'a jamais été obtenue dans le calme et la décence. Alors, elle s'attend à une véritable révolution. C'est encore plus vrai dans ces temps où la poussière de météorite continue à faire des ravages. Loin de perdre son temps en hypothèses fumeuses sur l'avenir, elle préfère de loin s'emparer de l'opportunité pour s'en assurer un. Plus les supers connaîtront de déboires, plus elle aura de clients. Plus il y a de client, plus elle pourra choisir ses batailles et gagner en renommée. Son ambition ne connaît pas de limite.
En 1981, deux petites filles viennent ajouter du bonheur à la famille déjà nombreuse de Lars et Colleen Sørensen. Ensemble, ils ont déjà trois enfants : Thomas, Matthew et Elisabeth. Ce jour-là, Josephine est la première à pointer le bout de son nez, bien vite suivie par Abigaïl. Elles viennent au monde dans la ferme familiale, trop pressée pour permettre à leur mère de rejoindre l'hôpital.
Elles grandissent entourées d'amour, de grand air, et de religion. L'éducation qu'on leur prodigue est stricte, moralisatrice. La fratrie fait preuve d'une solidarité sans borne, assumant les punitions collectives sans jamais se dénoncer les uns les autres. Joséphine, est déjà bien moins soumise que sa sœur. Aux tâches ménagères qu'on souhaite lui imposer, elle préfère le contact des animaux, les livres et la musique, entraînant immanquablement son double à la poursuite de leurs frères aînés. Thomas est le plus raisonnable de tous les enfants Sørensen. Il prend son rôle d'aîné très à cœur. Si elle fait mine de l'écouter, la petite Jo' n'a d'yeux que pour Mathhew, beaucoup moins conventionnel. Quant à Elizabeth, elle est souvent la cible de leurs farces communes, tant elle leur semble figée dans une pâle imitation de leur propre mère.
Jo' aime la musique, les histoires épiques (fictives ou non), la danse et le théâtre. Elle se prend très tôt d'une passion pour le chant, qu'elle découvre à l'église. En grandissant, elle s'émancipe des conceptions familiales, se rêvant un avenir sur le devant de la scène, à Broadway. La naissance d'Aaron, le benjamin imprévu de la famille, alors qu'elle a dix ans, lui offre un spectateur de plus à régaler de ses spectacles improvisés. À ses yeux, la vie est une fête. Portée par l'énergie de la jeunesse et cette certitude d'être invincible, elle ignore les mises en garde continuelles de ses parents. Si bien qu'un jour, leurs pires craintes se réalisent.
Elle n'a que seize ans quand elle comprend qu'elle est enceinte. Sa particularité à discerner les mensonges avait déjà fait d'elle une adoratrice de satan (ou presque) aux yeux de son père, mais la révélation qu'elle doit faire, mise au pied du mur par sa mère, achève les maigres espoirs qu'ils nourrissent encore pour elle. Dans leurs yeux, elle lit une douloureuse déception. L'avortement ne fait pas partie des possibilités qu'ils lui offrent. Elle est contrainte d'aller au bout de sa grossesse et d'abandonner sa fille. Cette épreuve l'endurcit considérablement. Joséphine se jure de mettre le plus de distance possible entre elle et eux, de ne plus jamais leur laisser le loisir de décider à sa place. Ce n'est pas le manque d'amour ou la rancune qui motive sa décision, simplement le désir de liberté. D'indépendance.
Elle travaille d'arrache-pied pour obtenir son diplôme, ne rechignant pas à passer de nombreuses nuits blanches pour rattraper son retard, et à s'investir encore plus au sein de multiples activités extrascolaire. Jusqu'à recevoir la lettre tant désirée : son admission à l'université de Stanford, de l'autre côté de pays. Dieu bénisse l'Amérique d'être si vaste ! Ne lui reste plus qu'à trouver un moyen de financer ses études, sans avoir à compter sur ses parents.
C'est amusant le nombre de pécheurs en quête de rédemption dont regorgent les églises. C'est là-bas que Joséphine fait la connaissance de Miss Lydia, qu'elle connaît de réputation. Quelques lettres échangées, au détour d'un sermon et l'élégante femme affirme pouvoir lui venir en aide. Elle prend le temps de la cerner, de jauger ses motivations et surtout de définir ce dont cette petite oie, pas si blanche que ça considérant sa réputation, pourrait bien être capable. C'est elle qui lui met le pied à l'étrier et qui lui fournit ses premiers clients. Pour payer ses frais de scolarité, Jo' redevient Joséphine, capable de se modeler selon les souhaits des hommes qui l'engagent. Sous la protection de Miss Lydia, elle est en mesure d'imposer ses conditions, de rester maîtresse des limites qu'elles est prête à franchir. L'appât du gain, l'argent facile, le besoin d'émancipation la conduiront à les réétudier plusieurs fois.
Sa douce Abigaïl est en larmes lorsque Jo' quitte enfin la maison. Le déchirement en immense pour elle aussi. Pourtant, elle se refuse à faire machine arrière. Après tout ce qu'elle a sacrifié, Joséphine se jure de devenir une avocate de renom et de ne jamais plus dépendre de personne.
Si son travail acharné, à l'université de droit, porte ses fruits, ses économies s'amenuisent rapidement malgré son emploi de serveuse dans un bar de la ville. Recontacter Miss Lydia lui fait l'effet d'une douche froide, d'un échec. Cette fois encore, la miss prend le temps de la jauger et d'analyser sa situation. Elle finit par lui donner un nom, accompagné d'un numéro de téléphone.
Cameron Holt est déjà âgé de 64 ans lorsqu'elle le rencontre. Très vite, il lui fait part des particularités de sa demande. Il se sait mourant et refuse de quitter cette terre seul. D'autres spécificités s'ajouteront au contrat qu'il propose. Celles-ci ne regardent qu'eux seuls. Leur mariage en 2005 ne sera jamais, à proprement parler, consommé.
En 2008, Joséphine passera l'examen du barreau, avec succès. Elle est désormais officiellement avocate. La situation avantageuse de Cameron lui permettra de trouver une place dans un cabinet de Seattle. Au cas où vous vous poseriez la question, non, cela ne lui a posé aucun problème ni d'éthique ni de moral.
Elle apprend à maîtriser les subtilités de la haute société et à se faire une place dans le monde. L'affection qu'elle porte à son époux est contrebalancé par un sentiment d'enfermement. Joséphine se bat pour ne pas suffoquer dans sa jolie cage de cristal. Elle ne sait pas bien pourquoi, mais Astoria l'appelle..
Dans la foulée, le monde apprend l'existence des Supers, permettant à Jo de mieux comprendre son don. Si elle savoure l'idée de ne pas être seule, elle craint les conséquences de cette révélation. La création de Vanguard signera son salut. Elle décroche un post au sein de leur service juridique, dans lequel elle officiera plusieurs années. Elle s'imagine son arrivée à Astoria, comme un nouveau départ, lui permettant de gagner en liberté de mouvement. En parallèle, la santé de Cameron se dégrade. Son fils, alors gestionnaire de ses biens, décide d'investir dans cette ville pour se rapprocher de son père.
Les années Vanguard font littéralement décoller la carrière de Joséphine. L'entreprise lui permet d'envisager la révélation des Supers comme une opportunité plus qu'un risque. Petit à petit, un projet se dessine dans sa tête. Consciente de ne bientôt plus bénéficier des largesses de son conjoint, elle hésite temporairement à lancer son propre cabinet. Pour rien au monde, elle ne délaisserait le confort que lui procure son compte en banque bien garni.
La prise en charge de Cameron lui demande, par ailleurs, énormément de temps. Bien que la famille du mourant peine encore à la considérer autrement que comme une croqueuse de diamants, elle a fini par s'attacher à celui qui partage sa vie. Il n'est pas un amant, ni un père. Il est quelque chose entre un ami et un parent incestueux. Le voir ainsi diminué, souffrant sans qu'elle ne puisse le soulager, la peine bien plus qu'elle ne le laisse entrevoir.
Ce qui devait arriver arriva. Cameron Holt décéda, un soir de mai 2015. Douloureuse libération qui trouva sa consécration à la lecture du testament de l'homme. Il lègue une grande partie de sa fortune à Joséphine pour qu'elle puisse réaliser ses rêves et ses projets. Si elle n'a jamais douté de son affection à son égard, elle n'a non plus imaginé à quel point, il tenait à lui assurer un avenir florissant. Alors que la famille du défunt s'offusque odieusement, Jo sourit tristement. Aux portes de la mort, son geôlier lui a offert les clés de la liberté. Elle compte bien en profiter.
Libérée du contrat passé, largement indépendante financièrement, Jo quitta officiellement son poste à Vanguard pour ouvrir son propre cabinet, se spécialisant dans les affaires de super. Comme elle s'en doutait, la demande était conséquence. Cela lui permit très vite de pouvoir trier les dossiers intéressants, séparant le bon grain de l'ivraie selon ses propres critères. Pourtant, elle ne rompit pas entièrement le contact avec son ancienne entreprise. Conscience de ses talents en matière de négociation, Vanguard choisit de passer un contrat non-officiel avec Josephine, requérant ses services ponctuellement sur des affaires épineuses, sans que leurs noms ne soient jamais publiquement associés. Cela vaut mieux pour l'un comme pour l'autre, car la clientèle personnelle de Joséphine n'est pas toujours aussi vendeuse que l'ancienne.
Elle quitta rapidement la villa d'Hillcrest Heights pour un appartement de standing, acheté comptant, du côté de Burton Ridge. La vitalité du quartier s'accorde parfaitement avec son désir de renouveau. Sentimentalement, elle enchaîne les conquêtes dans jamais se poser, préférant conserver sa liberté si durement acquise. D'un autre côté, elle continue de s'impliquer publiquement, dans des associations et des évènements caritatifs, soignant d'une certaine manière son image.
Pourtant, déjà, tout ceci ne suffit plus à ses ambitions. Malgré sa réussite, sa sécurité financière, son entourage social, Jo n'est pas pleinement satisfaite. Doucement, germe en elle l'idée d'affronter un nouveau défi, plus conséquent celui-là, pour pouvoir faire davantage changer les choses au bénéfice des supers.
Pseudo/prénom Devlen Age 30 ansPays France Commentaire Vous pouvez fustiger Charlie pour ce second personnage Autres comptes Audrain Crédits tumblr ? jecrois
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[b]Annabelle Wallis[/b] @"Josephine Sørensen"
[b]Avocate[/b] spécialisée dans les affaires de supers. Elle est à son compte, dans un bâtiment de Burton Ridge. @"Josephine Sørensen"
[b]Détecteur de mensonge[/b] @"Josephine Sørensen"