Dmitriev
Égocentrique, peut-être égocentré, il ose tout sans peur du lendemain, ni même d'autrui : il parle fort, porte le mulet comme s'il était encore à la mode, et amuse la galerie avec quelques frasques souvent plus dangereuses qu'amusantes. Il rit de tout, se fendant la gueule sur le béton froid pour attirer la sympathie des badauds alors que ses phalanges saignent encore. Violent, plein de tendresse, haineux nihiliste bourré d'espoir, Ilya est tout simplement perdu.
Au début, il y a la surprise, la joie, l’admiration : dans les yeux d’un adolescent gavé aux comics depuis son plus jeune âge, se dire que Superman et autres héros en collant existent est un sentiment indescriptible. Malgré la tragédie qui a révélé au monde l’existence des Supers et de leurs pouvoirs, Ilya se sent bien - en sécurité, même, et ce pour la première fois de sa vie. Il se dit que le monde est plein de surprises et de promesses. Peut-être qu’en lui aussi se cachent de grands pouvoirs qui lui réservent une encore plus grande destinée ? Il y croit dur comme fer, sautant les marches de son immeubles quatre à quatre, juste au cas où un jour il se mettrait à voler.
Puis la magie disparaît. Au bout d’un moment, on s’y fait. Les tabloïds qui pourrissent les rêves des gosses et la réputations des héros vous rappellent, qu’au final, ce sont des gens comme tout le monde. Imparfaits, dangereux, Ilya leur pardonne pourtant leurs erreurs. Après tout, ils travaillent dur, ils protègent les innocents, et on ne peut pas faire d’omelette sans casser d’œufs.
Mais quand l’œuf vient de votre famille directe, la pilule passe un peu moins bien. Alors, quand c’est presque toute la boîte, c’est encore pire. Il y a un sentiment de trahison qui meurtrit les cœurs du monde entier. C’était en 2015, année marquée par la perte et la colère : dans la terre repose son père, quelques amis et tout le respect et l’admiration qu’il avait pour ses héros d’enfance. Il apprend à détester, à détruire - lui aussi - sur un plan bien plus personnel. On étouffe la peine avec de la haine, et pour ne pas devenir fou, on se dit que ce venger est la seule solution.
Quel héroïsme ? Comme la statue de Lénine en Allemagne, l’image d’un super à jamais taillée dans la pierre n’est qu’une insulte de plus adressée à ceux qui, ce jour-là, ont tout perdu. Mais à quoi bon donner son avis ? A quoi bon critiquer un stupide totem de marbre alors que c’est Vanguard qui devrait être pointé du doigt ? En créant toujours plus de buzz autour de cette construction, les habitants d’Astoria en viennent à oublier quelle question ils devraient se poser - et surtout, contre qui ils devraient se liguer.
Ilya adorerait vous dire que d’ici deux deux jours, grand max’, il n’y aura plus de super héros ; que les gens vont se réveiller et enfin voir quel futur catastrophique attend Astoria et le reste du monde si on laisse ces abrutis en collant continuer d’agir en toute impunité ; que d’excuser tout le mal qu’ils font ne fait que les rendre plus forts, intouchables - mais, bien sûr, les choses ne sont pas si simple, et souvent, le futur est décevant.
Qu’est-ce qui pourrait bien changer en cinq ans ? Pas grand chose, il en est convaincu ( les Hommes avancent doucement et apprennent rarement de leurs erreurs ).
Tout commence en Russie, dans un petit quartier miteux de Krasnoïarsk, en 1977. Irina et Pavel sont amoureux et se foutent bien de la météorite qui s’est écrasée en Amérique il y a cinq ans de cela - il faut dire qu’ils ont de plus gros problèmes à gérer : ruinés dans un pays en déclin pas même encore sorti de la Guerre Froide, ils étouffent, parqués dans leur petit appartement. Libéraux dans l’âme, enfants de traîtres, la politique de Leonid Brezhnev les terrifie - mais ils luttent. Affiches en tout genre, tractes glissés dans des mains tremblantes, leur combat politique est à la fois une bouffée d’air frais dans ce monde détraqué, tout comme leur malédiction. En lien avec quelques ricains infiltrés dans les terres glaciales de la Russie, ils craignent pour leur avenir ( depuis peu, la ligne de leur téléphone grésille. Ils sont sur écoute. ).
Cela fait plus de six mois qu'ils implorent le gouvernement des Etats-unis de les exfiltrer, de reconnaître leurs bons et loyaux services et d’enfin les sauver de cet enfer fait de doutes et de pauvreté. Ils ont attendu, tremblant, terré chez eux, comme du gibier menacé par une meute affamée. Mais aujourd’hui, c’est le grand jour : feu vert donné par un petit bureaucrate, leurs papiers sont faits, une nouvelle vie les attend à quelques milliers de kilomètres d’ici.
Irina tremble, ses valises à la main, attendant qu’une voiture sans immatriculation vienne les cueillir sur le trottoire. Pavel, lui, reste calme, comme à son habitude. Même quand la petite auto bleue débarque, il reste serein.
Irina s’engouffre à l'intérieur, il la suit.
Durant le trajet, en route vers le Pakistan, ils parlent de leurs rêves. Ils s’imaginent cette vie qu’il pourront croquer à pleine dent, là-bas, à New York. Pressés de quitter l’Europe, ils arrivent à peine à contenir leur joie, se voyant déjà fonder une famille nombreuse et prospère.
On les dépose sur le tarmac. Leur avion les attend, monstre de fer qu’ils regardent avec des yeux d’enfants. Adieu, Russie, bonjour Liberté !
New York n’était pas à la hauteur de leurs espérances. Perdus dans cette ville trop grande, trop vivante, ils n’ont pas réussi à suivre le rythme de la métropole. Irina, qui ne parle que le Russe, n’a pas voulu rester là-bas. Pour apprendre la langue, et doucement s'acclimater à cette nouvelle vie, elle a choisi le Vermont pour établir sa nouvelle maison. Sa vraie maison. Là-bas, elle se voit fonder une famille - et les loyers sont moins chers.
Mais rien ne change vraiment. Pavel cumule les petits jobs pendant que sa douce apprend l’anglais ( doucement. Trop doucement ). Pas non plus de maison à l’horizon, un petit appartement semble bien plus adapté à leurs finances. Il faut dire que les temps sont durs et qu’il faut se serrer la ceinture : dans neuf mois, il seront trois.
Le 14 Juin 1994 né Ilya, petit garçon qui pousse son premier cri à neuf heure du soir. Beau comme le jour, du moins c’est ce qu’ils aiment se dire, la menace d’une nouvelle bouche à nourrir est éclipsée par la joie qu’il fait rugir dans leurs coeurs. Dès qu’il le voit, Pavel sait que sa vie va changer pour le mieux. Commence alors celle de ce petit être choyé de tous.
Les années passent sans même qu’on puisse les compter, et il grandit. La nature qui l’entoure est son terrain de jeu, le préservant d’une réalité parfois trop cruelle pour un enfant de son âge. Ici, tout est calme, douceur et volupté. Ici, les griffes de la modernité ne peuvent encore lui cisailler l’âme.
Mais ça ne saurait tarder.
A dix ans, Ilya observe ses parents faire leurs cartons. Pavel a trouvé du travail en ville, à Astoria. Le poste semble prometteur, c’est tout du moins ce que laisse entendre Irina, fatiguée de recevoir des lettres de relance toutes les semaines.
Ils partent donc, dans une petite voiture bleue qui les mène sur la route de la réussite. Ils roulent des jours entiers, des nuits entières, et passent les kilomètres. Bientôt, ils aperçoivent ce ciel gris qui caractérise si bien les cités en expansion, et alors se dessine Astoria à l’horizon, imposante matrone parsemée d’immeubles.
Southwood, une barre d’immeuble qui semble s’étirer à l’infini : voilà leur nouvelle demeure ( temporaire, d’après Pavel ). A peine installé, l’école reprend pour Ilya qui, mélancolique, traîne déjà les pieds alors que l’année ne fait que commencer.
Il faut dire qu’ici, les enfants sont cruels. Étouffés par leur propre rage et leur colère, il font du petit garçon leur Bouc émissaire - Red Boy, qu’il l’appellent, le garçon venu de beaucoup trop loin. Ils se moquent de son accent, de la difficulté que sa mère a à s’exprimer : il ne leur ressemble pas, et ils lui font sentir.
Deux ans de souffrance s’écoulent trop doucement. Bien évidemment, aucune maison avec jardin n’est venue remplacer le petit appartement de banlieu dans lequel ils vivent encore et toujours. Irina, dans un dernier élan d’espoir, trouve enfin un travail, comme si son nouveau salaire pouvait les sauver de cette précarité : elle devient nourrice, un terme un peu trop noble pour la réalité de ce métier.
Gardant quelques enfants en bas âge dans le petit salon de l’appartement, l’argent récolté est peut-être illusoire, mais la présence d’autres gamins ravit Ilya qui, pour la première fois depuis leur arrivée à Astoria, se fait de véritables amis.
Les yeux rivés sur le petit écran, Ilya et ses comparses observent cette étrange tragédie qui se déroule sous leur yeux. Mort. Vie. Mort. Ils froncent les sourcils et, finalement, hurlent en coeur quand ils réalisent ce qui se passent.
Les super héros sont nés, du moins c’est ce que pense l’Amérique qui n’a rien vu arriver. Révélés au grand publique, un regain d’espoir semble s’emparer de la population qui font de ces êtres incroyables leurs nouvelles idoles. Ilya, lui aussi, se laisse prendre au jeu, amadoué par les comics que lui offrait son père il y a des années de cela. Pavel, quant à lui, semble retomber en enfance.
Même si ses résultats ne sont pas bon et qu’il semble délaisser l’école pour la rue, Irina et Pavel ne peuvent s’empêcher de dorloter leur garçon - et surtout, de le féliciter. Pourquoi ? Il semblerait que les victoires de chaque héros soient les leurs : plus d’inquiétude à avoir pour l’avenir, avec de tels modèles, Ilya va forcément se reprendre ( et dans le fond, l’adolescent l’espère aussi ).
Les yeux rivés sur le petit écran, Ilya est assis au milieu du salon, dans la maison vide. Il regarde les images défiler, attentif. Mort. Mort. Mort. Il fronce les sourcils.
La Pryce Tower vient de s’écrouler et dans les restes fumants de ses fondations brûlent trop de corps. Tout est diffusé en direct : le massacre sur vos écrans ! Les hélicoptères des médias tournent autour de la scène comme des vautours. Les gens pleurent, la ville pleure, et bientôt, le peuple se déchire.
Mais le petit appartement de Southwood est terriblement silencieux. Aucune guerre n’éclate entre ces murs - au contraire : l’apathie règne en ces lieux. Irina, comme figée dans le temps, ne dit plus mot, et Ilya, écrasé par le remord, ne bouge pas non plus. Manque à l’appel Pavel, gisant quelque part dans les décombres.
Thomas, Malik et Aaron ne reviendront pas non plus. Les noms d’une poignée proches s'ajoutent à cette funeste liste, des connaissances qui travaillaient dans le quartier, des âmes qu’ils croisaient au détour d’une rue...Le monde semble soudainement étrangement vide. Vide de sens.
Les années qui suivent sont difficiles. Ilya n’a jamais soigné son éducation, et bientôt, le poid de la société et de ces choix pèsent sur ses épaules. Irina n’a plus le goût au travail, et lui n’a pas les diplômes nécessaires pour offrir à sa mère la paix qu’elle mérite. Les quelques jobs qu’il réussi à dégoter ne le contente pas et, au contraire, accroissent son dégoût pour la société. Le plus clair de son temps, il erre, à la recherche de sens, échangeant quelques billets contre des pilules qu’il connaît depuis l’adolescence.
A vingt ans, Ilya est déjà une épave qui se laisse porter par le courant. Il n’a plus la force de rien, trahis par les idéaux patriotiques qu’on lui a enfoncé dans le crâne ( il ne cherche même plus à se débattre ). C’est son contact qui le maintient en vie, lui offrant quelques billets en échange de services rendus.
Très vite, les choses prennent de l’empleure. Il vole, il se bat, et fait deux trois aller retour en prison - mais l’argent arrive toujours jusqu’à la boîte aux lettres du petit appartement de sa mère.
Et puis il s’habitue. Il se prend au jeux. Petit délinquant miteux, il gagne en assurance et se dit qu’il peut viser plus haut, jouer dans la cours des grands. Il se concentre donc sur le deal, se faisant ( beaucoup ) beaucoup d’argent - plus que son père n’en a jamais eu. Et un beau jour, il découvre la poussière de météorite.
Son fournisseur lui fait passer un échantillon, juste pour qu’il teste - par curiosité, comme on dit. Alors, Ilya partage la came avec ses clients. Des clients bien particuliers. “Vend ça aux supers” lui a conseillé ce type, alors c’est ce qu’il fait. Et ça marche ! Les demandes affluent, et même si les commandes se comptent sur les doigts d’une main, c’est déjà bien assez pour survivre, et même être à l’aise.
Lui vient alors une idée.
Sur quelques échantillons, il force la dose, juste pour voir. Parfois, il coupe la poussière avec d’autres produits, certains plus violent que d’autres - et le résultat ne se fait pas attendre : deux jours après livraison, l’un de ses “supers” client ne répond plus. Le surlendemain, il achète le journal et lis avec attention les avis de décès. ET BINGO. Foudroyé ! Le petit encart parle avec pudeur d’un jeune homme sans histoire, d’une mort soudaine, et il n’en faut pas plus à Ilya pour célébrer cette petit victoire.
Maintenant, il ne lui reste plus qu’à être discret et vendre.
Pseudo/prénom Ghoest Age 25 ans Pays France Commentaire Je bingewatchais The Boys et je suis tombée sur votre forum, alors autant vous dire que je suis tombée in love de votre contexte. Belles idées, beau design, je kiff vegra Autres comptes Nope ! Crédits le wild wide web
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